Alsharq Tribune-AFP
Plus d'un an après la dissolution de l'Assemblée nationale décidée par le président Emmanuel Macron en juin 2024, la France reste confrontée à une impasse politique prolongée qui freine la mise en œuvre des politiques budgétaires. Le projet de budget pour 2026 n'a pas encore été présenté, tandis que la crise politique se propage désormais à l'économie et aux marchés financiers, affaiblissant la confiance des investisseurs et pesant sur la zone euro.
Depuis début octobre, les incertitudes politiques ont accentué la volatilité sur les marchés financiers. Le 6 octobre, la démission du Premier ministre Sébastien Lecornu a provoqué un repli de 2% du CAC 40 à l'ouverture de la Bourse de Paris. Le taux du rendement des obligations d'Etat françaises à dix ans a grimpé de plus de neuf points de base pour franchir en séance le seuil de 3,6%.
Selon les dernières prévisions de la Banque de France, la croissance économique du pays ne devrait atteindre que 0,7% en 2025. Les économistes soulignent la baisse des investissements des entreprises et des ménages, la progression du taux d'épargne et les effets du ralentissement économique sur l'emploi comme principaux freins à la reprise.
D'après une étude de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), la crise politique déclenchée en juin 2024 pourrait coûter environ 0,5 point de croissance d'ici fin 2025, soit une perte estimée à 15 milliards d'euros.
"Dans un moment d'incertitude, les entreprises gèlent un peu tout, à la fois l'investissement et l'emploi. Et les ménages épargnent davantage", a déclaré l'économiste Eric Heyer, cité par les médias français. Depuis la dissolution de l'Assemblée nationale, les investissements des entreprises auraient reculé de 1,5%.
Selon les données de l'Insee, entre le premier trimestre 2024 et août 2025, la consommation de biens des ménages a diminué de 0,5%, tandis que le taux d'épargne est resté stable à 19%, l'un des plus élevés d'Europe. L'économiste de l'OFCE Mathieu Plane estime que l'accroissement des incertitudes politiques et économiques pousse les ménages à limiter leurs dépenses, freinant ainsi davantage la croissance.
Patrick Martin, président du Medef, principal syndicat patronal français, a pour sa part estimé que l'instabilité politique pourrait réduire le produit intérieur brut d'environ neuf milliards d'euros cette année. Selon lui, "le décrochage" économique de la France "est enclenché" par rapport aux autres grandes économies européennes.
La crise politique française a également des répercussions sur la zone euro. La démission surprise du Premier ministre le 6 octobre a entraîné une baisse temporaire de près de 0,8% de l'euro face au dollar. Les analystes soulignent la nervosité des marchés face aux difficultés de formation d'un nouveau gouvernement, redoutant un vide politique durable dans la deuxième économie de l'Union européenne.