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Rédacteur en Chef
Mohamed Al-Otaify
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Islam

Le retour du kottab

Le retour du kottab

Alsharq Tribune- Al Otaify

4 700 écoles coraniques seront inaugurées cette année dans tous les villages égyptiens. C’est l’objectif d’une initiative lancée par le ministère des Waqfs. Enquête.

 Awdette al-kottab (le retour des écoles coraniques) est une initiative récente portée par Usama Alazhary, ministre des Waqfs (biens religieux). Ces écoles traditionnelles, autrefois répandues, visent aujourd’hui à enseigner le Coran tout en développant les compétences de mémorisation et d’interprétation du Livre saint chez les enfants d’âge préscolaire.

« Au cours des quinze dernières années, les réseaux sociaux ont diffusé des idées et des messages étranges qui ne correspondent pas aux valeurs de notre société et qui sont parfois contraires aux avis religieux en Egypte », explique Ossama Raslane, porte-parole du ministère des Waqfs. Il ajoute qu’en plus des idées fausses sur l’islam qui prolifèrent sur Internet, de nombreux parents hésitent à envoyer leurs enfants dans des groupes d’apprentissage du Coran non contrôlés par le ministère ou par Al-Azhar. Ces groupes suscitent des craintes quant à l’influence de doctrines erronées sur la religion.

« Mon époux et moi avons décidé de ne plus envoyer nos enfants aux cours d’apprentissage du Coran, car l’enseignant diffusait des idées inappropriées qui pouvaient conduire au fanatisme, comme l’obligation pour un homme de porter la barbe ou de ne pas porter de pantalon dépassant les chevilles, ainsi que d’autres affirmations similaires », témoigne Marwa, femme au foyer, vivant à Abdine, au centre-ville. Elle insiste sur le rôle crucial des parents pour transmettre à leurs enfants le véritable message de l’islam, basé sur la compréhension du Coran, qui prône la justice, l’équité, la tolérance et la libert

Revivre l’école de récitation

Autrefois, les kottab étaient des lieux fréquentés par les grands oulémas de l’islam. C’est là qu’ils apprenaient à réciter, mémoriser et interpréter le Coran. Ces établissements ont été le berceau de figures majeures de la récitation coranique, comme Abdel-Basset Abdel-Samad, Mahmoud Al-Hossari, Ahmad Seddiq Al-Menchawi, Aboul-Einein Chicha et bien d’autres. Ces voix, encore diffusées sur la radio « Coran Karim », font toujours partie intégrante du quotidien des Egyptiens

Avec ce nouveau projet, le ministère des Waqfs souhaite redonner à ces institutions leur éclat d’antan. Pour cela, il impose des critères stricts avant d’accréditer les récitateurs, prédicateurs ou imams chargés de gérer ces écoles. « Nous accepterons également des bénévoles diplômés des facultés de charia (loi islamique), de langue arabe, de sciences coraniques ou de pédagogie. Par ailleurs, les apprenants brillants seront récompensés financièrement et par des distinctions », précise Raslane.

Pour accompagner ce projet, le ministère mettra à disposition des enseignants 69 instituts de formation à travers tout le pays. Ces instituts auront pour mission de former des enseignants compétents, capables de mener à bien leur tâche. Des comités d’inspection et de suivi veilleront au respect des normes établies, notamment en matière d’interprétation du Coran, afin de garantir la promotion de la modération religieuse.

Une éducation équilibrée et patriotique

« Nous voulons que le kottab soit une voie d’accompagnement qui soutienne le processus éducatif des enfants à l’école. L’objectif est de transmettre les valeurs religieuses tout en intégrant l’apprentissage par coeur du Coran », explique Raslane. Le Livre saint est en effet lié à de nombreuses sciences, comme la langue arabe, la théologie et les sciences du hadith (les paroles du prophète). « Ce projet permettra également de révéler des talents variés, comme l’éloquence, la calligraphie arabe et la poésie », ajoute-t-il.

La réforme des écoles coraniques n’a pas été improvisée. En plus des enseignements religieux et de l’invitation à suivre l’exemple des prophètes, des programmes ont été conçus pour renforcer les valeurs patriotiques et nourrir la créativité. L’objectif est de former des individus dotés d’une personnalité forte, capables de résister à l’invasion culturelle et de défendre une identité islamique modérée.

L’Histoire évoque de nombreuses figures célèbres ayant fréquenté les kottab dans les villages, des établissements qui ont joué un rôle majeur dans l’éveil culturel et éducatif de l’Egypte. Parmi ces personnalités figurent Rifaa Al-Tahtawi, auteur et réformateur égyptien, fondateur de la faculté de langues en 1835 et rédacteur en chef d’un journal officiel, ainsi que Taha Hussein, auteur de renom de la littérature arabe et ancien ministre de l’Education.

Bien que les kottab aient vu le jour sous la domination ottomane, ils ont été organisés à l’époque nassérienne. En 1961, les apprentis des kottab ont contribué à la création d’instituts affiliés à la mosquée d’Al-Azhar, où l’enseignement religieux a pris de l’ampleur dans la société, s’étendant de l’école primaire jusqu’aux études universitaires.

« Le kottab reste l’outil éducatif principal pour transmettre le Coran de génération en génération, car il constitue une base solide en matière de connaissances religieuses liées aux études », explique le cheikh Chawqi Abdallah, récitant à Damiette et enseignant dans une école coranique. Il ajoute que durant l’époque moderne, les enseignants issus des kottab ont formé la première génération de professeurs dans les universités islamiques à l’étranger, telles que l’Université Umm Al-Qura en Arabie saoudite, Al-Mohammediye en Inde, l’école de Tlemcen en Algérie et l’Université islamique de Médine.

La société civile entre en jeu

Avec cette nouvelle initiative, bien que le ministère des Waqfs encadre les kottab, la société civile joue également un rôle actif. Dans le gouvernorat de Ménoufiya, la fondation caritative Al-Menna a récemment inauguré une école coranique exemplaire. « Le réseau institutionnel est au coeur de notre travail. Un partenariat s’est établi entre la société civile et le gouvernement afin d’étendre l’influence des écoles coraniques. L’association Masr Al-Kheir, par exemple, nous fournira un écran d’un mètre et demi connecté à deux ordinateurs, où des versets du Coran seront affichés. Les enfants pourront les lire et les répéter, et un cheikh sera présent pour corriger leur prononciation », explique Nabil Kamal, PDG d’Al-Menna

Inaugurée le mois dernier, cette école accueille déjà 700 enfants, tandis que 1 000 autres sont inscrits sur la liste d’attente. Le réseau associatif a également permis de résoudre d’autres problématiques, comme la coordination avec la Banque alimentaire, qui offre une aide mensuelle aux familles démunies dont les enfants fréquentent l’école. Par ailleurs, le ministère de l’Approvisionnement s’est engagé à collaborer pour garantir des repas gratuits aux élèves des kottab.

« Nous avons également pris en compte les besoins émotionnels des enfants en créant un environnement bienveillant. Une éducatrice douce et souriante accueille les plus petits, âgés de 3 ans, ce qui les rassure et les calme », précise Nabil Kamal. L’école a instauré des groupes d’apprentissage ne dépassant pas chacun 25 élèves, organisés selon leur niveau de maîtrise du Coran. Ces dispositions permettent de garantir un enseignement personnalisé et une progression efficace.

Un impact sur l’arabe et la socialisation

Ces kottab peuvent-ils également améliorer le niveau de la langue arabe, qui a récemment décliné ? « Mon fils âgé de 5 ans avait des difficultés de prononciation. Tout le monde m’a conseillé de l’inscrire au kottab. La récitation du Coran l’a aidé à prononcer chaque lettre de manière claire et correcte », raconte Mervat, mère au foyer. Elle explique que bien qu’il existe des orthophonistes, leurs horaires sont peu flexibles et les progrès sont souvent lents. En revanche, un mois au kottab a suffi pour constater une nette amélioration chez son fils.

En réunissant des groupes d’enfants autour d’un objectif commun — l’apprentissage du Coran —, ces écoles créent un esprit de compétition sain et rendent les enfants plus sociables. « Elles permettent également de réduire l’addiction des enfants aux réseaux sociaux et aux jeux électroniques », affirme Tamer Chawqi, pédagogue.

Un autre avantage du kottab réside dans la préparation des enfants avant leur inscription aux écoles d’Al-Azhar. Karim, 42 ans, fonctionnaire, raconte : « J’ai inscrit mon premier enfant au kottab et aujourd’hui, il est en première année de collège. Lorsque j’ai voulu inscrire ma fille à Al-Azhar, elle a été immédiatement acceptée, car en cinquième année de primaire, elle connaissait déjà la moitié du Coran par coeur ».

 

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