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Mohamed Al-Otaify
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La guerre, la faim et l'inflation assombrissent le ramadan au Soudan

La guerre, la faim et l'inflation assombrissent le ramadan au Soudan
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Alsharq Tribune- Mohamed Otaify

Pour la deuxième année au Soudan, l'esprit de générosité et la chaleur des réunions familiales qui marquent traditionnellement le mois de jeûne musulman du ramadan sont éclipsés par la guerre, la faim et les difficultés économiques.

Le conflit dans ce pays pauvre a éclaté en avril 2023 entre l'armée et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR). Il a fait des dizaines de milliers de morts, jeté sur les routes plus de 12 millions de personnes et créé une pénurie alimentaire qui se traduit par une famine dans plusieurs régions.

A Port-Soudan (est), ville relativement épargnée par les violences, les marchés sont ouverts mais les denrées alimentaires sont devenues pour beaucoup inabordables. Un kilo de sucre, un produit de base des boissons et des friandises du ramadan, coûte désormais 2.400 livres soudanaises (1 dollar).

Le prix de la viande est exorbitant, le kilo de veau coûtant 24.000 LS (10 dollars) et celui du mouton 28.000 LS (11,6 dollars), selon des consommateurs.

"Nous avons du mal à nous procurer des produits pour le ramadan. Certains sont chers, d'autres extrêmement chers", assure à l'AFP Mahmoud Abdelkader. Hassan Osman, un autre habitant, partage la même frustration: "les prix sont trop élevés".

Le taux d'inflation a atteint 145% en janvier, contre 136% le même mois en 2024, selon le Bureau central des statistiques, alors que le salaire mensuel moyen s'élève désormais à seulement 60 dollars.

Par ailleurs, les syndicats signalent que dans certaines régions, des employés du secteur public n'ont pas été payés depuis avril 2023.

- "Une poudrière" 

La situation est bien pire dans les zones directement touchées par les combats. Dans certaines parties du Darfour (ouest) et du Kordofan (sud), où les voies d'approvisionnement en nourriture ont été coupées, la famine s'est installée. Elle a frappé trois camps de déplacés au Darfour-Nord, ainsi que certaines zones des monts Nouba, dans le sud.

Ce fléau devrait s'étendre à cinq autres zones d'ici mai, selon une récente évaluation soutenue par l'ONU. Dans certaines zones du Darfour, les familles se contentent de manger des coques d'arachide et des feuilles d'arbre pour survivre, selon des habitants.

Et comme les agences d'aide humanitaire peinent à atteindre ces zones, la faim se propage rapidement. Le Programme alimentaire mondial a déclaré avoir été contraint de suspendre ses opérations dans et autour d'un camp touché par la famine au Darfour-Nord en raison des violences.

"C'est très difficile ici", a déclaré Omar Manago, un travailleur humanitaire au Darfour-Nord. "Il y a une grave pénurie d'eau potable et de nourriture. De nombreuses familles n'ont pas mangé de repas convenables depuis des mois."

Le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Volker Turk, a prévenu jeudi que le Soudan sombrerait dans "l'abîme", sans un arrêt de la guerre et sans aide humanitaire. "Le Soudan est une poudrière (...) Il est exposé à un risque croissant d'atrocités criminelles et de décès massifs dus à la famine."

- "Tout a brûlé" 

Dans les zones touchées par le conflit, les marchés ont été pillés et les réserves alimentaires s'amenuisent dangereusement. Selon Omar Manago, la plupart des marchés du Darfour-Nord ont disparu. "Tout a été brûlé par les Janjawid", a-t-il accusé, en référence aux FSR.

Dans la capitale Khartoum, où les combats entre soldats et paramilitaires se sont intensifiés ces dernières semaines, des bénévoles distribuent toute l'aide qu'ils peuvent trouver, mais les besoins restent énormes.

"Avant la guerre, les volontaires sillonnaient les rues pour distribuer des repas d'iftar (rupture du jeûne) à ceux qui n'avaient pas pu rentrer chez eux à temps", se rappelle Sabrine Zerouk, 30 ans, qui vit à Omdourman, proche banlieue de Khartoum.

"Cela n'arrive plus", dit-elle à l'AFP.

De nombreux Soudanais pleurent aussi la perte de traditions chères au ramadan. Les années précédentes, les familles préparaient des repas élaborés pour l'iftar, partageant la nourriture avec les voisins les moins fortunés tandis que les rues étaient décorées de lumières festives.

"Ce qui me manque le plus, ce sont les repas de rupture du jeûne avec la famille et les amis", déplore Mohamed Moussa, un médecin de 30 ans qui passe de longues journées dans l'un des derniers hôpitaux en activité à Omdourman. "Et les décorations du ramadan aussi, ce sont des choses que nous avons perdues."

 

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